La quasi-guerre

L’Histoire a de ces ironies ! Qui aurait pu imaginer en 1783 que le premier adversaire opposé à la jeune république des États-Unis d’Amérique, treize ans plus tard, serait l’indéfectible ami et allié qui l’avait aidée à conquérir son indépendance, à savoir la France ? Certes, pour des causes diverses, le (trop) bon roi Louis XVI, tout comme le talentueux général de Rochambeau et l’intrépide amiral de Grasse, avaient disparu du paysage. Certes, on ne parla pudiquement à l’époque que de « quasi-guerre »), mais il est douteux que cet euphémisme ait beaucoup consolé les proches de ceux qui y laissèrent leur vie. En fait, à l’origine, les torts étaient partagés : d’un côté, l’intransigeance rigide du Directoire, de l’autre, l’esprit mercantile des Américains. Ajoutons que les excès de la Révolution française, d’abord accueillie avec sympathie outre-Atlantique, allaient vite horrifier les Américains, épris d’ordre et de paix.

Cette situation s’aggrava avec l’ouverture des hostilités entre la France républicaine et la Grande-Bretagne et, plus encore, avec le traité d’amitié, de commerce et de navigation conclu par l’Américain John Jay avec le gouvernement britannique le 19 novembre 1794, que les Français considérèrent comme une trahison. Du coup, ils affichèrent, en juillet 1796, leur intention de traiter les navires neutres (et, en particulier, les Américains) de la même manière que les Anglais, c’est-à-dire en confisquant toute marchandise ennemie transportée sous pavillon neutre. L’élection du nouveau président américain John Adams, le 8 février 1797, n’arrangea pas les choses, un diplomate français le définissant comme « entêté, vaniteux, inflexible et ombrageux ». C’est pourtant lui qui allait mettre fin à cette pseudo-guerre par la convention de Mortefontaine (30 septembre 1800). Dans l’intervalle, toutefois, des incidents graves allaient se produire, suscités en partie par la crainte de certains Américains, qui, imaginant un peu vite la France victorieuse des Anglais, redoutaient de la voir ensuite envahir les États-Unis. Plus réaliste fut la réaction contre les activités des corsaires français des Antilles qui, en trois ans, capturèrent près d’un millier de navires marchands américains dont le tiers, voire la moitié, furent confisqués, d’où une perte énorme pour l’économie du pays. La riposte, pour assurer la protection du trafic maritime, fut la création d’une Marine de guerre, jusqu’alors inexistante, qui devint l’U.S. Navy et de troupes embarquées, le futur corps des Marines.

Bien écrit, quoique de lecture un peu un peu ardue, l’ouvrage du Professeur Schnakenbourg s’appuie sur une quantité impressionnante de sources, tant archivistiques que bibliographiques, et sa remarquable étude est complétée par un abondant apparat critique. Il s’agit donc d’un travail universitaire, au meilleur sens du terme,  proprement magistral en ce qui concerne l’histoire politique et diplomatique du conflit. Toutefois, ceux qui s’intéressent plutôt à l’histoire navale risquent, en revanche, de rester sur leur faim : les combats entre navires de guerre français et américains (capture de la corvette U.S.S. Retaliation par la frégate la Volontaire en  novembre 1798, prise de la frégate l’Insurgente par l’U.S.S. Constellation le 8 février 1799, combat des frégates Constellation et Vengeance le 1er février 1800, enfin de la corvette le Berceau contre la frégate U.S.S. Boston le 12 octobre 1800) n’occupent guère que quatre pages ( 152 à 155), ce qui paraît un peu faible.

CV(H) Philippe HENRAT
31/03/2024

Eric SCHNAKENBOURG
La Quasi-Guerre. Le conflit entre la France et les États-Unis,  1796-1800
Tallandier

Voir également la recension du LV(H) Dominique RENIE

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