Ernest Shackleton, Le Boss

« Le nom de Shackleton doit être écrit en lettres de feu dans les annales de l’exploration antarctique » déclarait Roald Amundsen, l’illustre vainqueur du Pôle Sud, comme le rappelle, dans sa monumentale Histoire des mers australes, le regretté Professeur Jean-René Vanney. C’est également ce qui ressort de ce petit livre. Certes, il ne s’agit pas là d’une œuvre d’érudition, mais nul ne prétend le contraire, même s’elle s’achève sur une bibliographie abondante à défaut d’être exhaustive. En fait, nous avons là un bon, voire un très bon ouvrage d’initiation sur la personnalité hors du commun d’un des plus grands explorateurs de l’Antarctique. Certes, on peut reprocher à ce livre un style un peu sec, mais ce défaut est sans doute lié à la nécessité de retracer une existence aussi riche en moins de 200 pages

Manifestement, Mirella Tenderini, qui n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’elle a précédemment rédigé une biographie du duc des Abruzzes qui battit en 1899 le record de la progression la plus septentrionale vers le pôle boréal, éprouve (à juste titre, du reste) une profonde sympathie pour son héros et ne se prive pas de le montrer. De fait, on ne peut qu’être séduit par la personnalité exubérante et visionnaire d’Ernest Shackleton, par son charisme qui suscitait une véritable dévotion chez ses subordonnés, par son humanité aussi, qui lui permit, au cours de ses expéditions polaires, de ne jamais perdre un seul des hommes placés sous ses ordres directs. Cruelle est, en revanche, la comparaison avec Robert Falcon Scott, introverti, engoncé dans les règlements militaires, toujours convaincu d’avoir raison et, de ce fait, multipliant les erreurs désastreuses qui allaient le mener à l’échec et lui coûter la vie, ainsi qu’à tous ses compagnons.

Il serait trop long de retracer cette vie tout entière consacrée à une passion unique : l’Antarctique. Car si le légendaire capitaine Hatteras de Jules Verne marchait toujours vers le nord, Shackleton, lui, marcha toujours vers le sud, jusqu’au dernier instant de sa vie qui s’acheva en 1922 sur les rivages désolés de la Géorgie du Sud. Évoquons toutefois brièvement les deux grandes étapes de son existence : cette expédition de 1908-1909 qui l’amena à 180 kilomètres du pôle austral, plus loin qu’aucun être humain ne s’était aventuré jusqu’alors, mais où il renonça de son plein gré à la gloire, pourtant si proche, d’être le vainqueur du Pôle Sud afin d’éviter d’exposer ses compagnons à un risque mortel. Quant à l’épopée en 1915 de l’Endurance (dont l’épave vient tout récemment d’être retrouvée et identifiée par 3.000 mètres de fond), elle vaut surtout par la retraite parfaitement organisée et dirigée par Shackleton vers l’île de l’Éléphant puis vers la Géorgie du Sud, qui révèle plus que toute sa carrière d’explorateur les qualités d’un chef authentique. Il ne lui fallut pas moins de quatre mois pour récupérer les vingt-deux hommes qu’il avait laissés sur l’île de l’Éléphant avant de tenter de gagner sur une minuscule embarcation la Géorgie du Sud, mais lorsqu’il les retrouva, leur moral était intact : ils savaient, ils avaient toujours su que leur « boss » reviendrait les chercher… Une belle histoire d’homme et de marin qui mérite d’être lue et méditée.

CV(H) Philippe HENRAT
Membre de l’Académie de Marine
09/04/2022

Ernest Shackleton, Le Boss
Mirella Tenderini
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