Le roi qui voulait voir la mer

Oubliez le Louis XVI d’image d’Épinal, inventé par la République pour justifier a posteriori la Révolution et la mort du roi. Le souverain ignare et ennemi du peuple, tout juste capable de bricoler des pendules au lieu de gouverner, nous est ici présenté tel qu’il était vraiment : un homme soigneusement préparé à son métier de roi, soucieux du bien-être de ses sujets, lettré, cultivé, au vaste savoir, et épris de la mer, des bateaux et des marins. Il se soucie de développer la Marine française et la connaissance des océans. C’est lui qui a envoyé en mission Monsieur de La Pérouse après en avoir personnellement établi avec soin l’itinéraire.

Au printemps 1786, Louis XVI décide de partir visiter la Normandie. Lui, qui n’est encore jamais allé en province, veut aller à la rencontre de ses sujets. Il en profitera pour admirer la mer, visiter le port de Cherbourg – où il a lancé des travaux d’envergure – et parfaire ses connaissances de la Marine et de ses marins. Excédé par la Cour et son Étiquette étouffante, il ne part qu’avec une suite réduite et sans escorte militaire. Pour assurer la sécurité du roi, les garnisons et les milices locales se relaieront de ville en ville au fur et à mesure du voyage.

Gérard de Cortanze nous offre là un roman fort joliment écrit, vivant, parfois haletant. Louis XVI est humain, bon mari et père de famille attentif, heureux du respect et de l’amour pour lui dont font preuve ses sujets dans les villes où il fait étape et les villages qu’il traverse. Point bégueule, lorsque les aléas du voyage l’empêchent de faire étape à l’endroit prévu, il s’arrête à l’improviste dans de petites auberges, fait honneur au menu du jour et converse avec les convives.

Le point d’orgue du voyage est sans nul doute le passage à Cherbourg : visite du port et des travaux de la grande digue, embarquement sur un navire de guerre, manœuvres d’escadre, conversations avec les marins de tous grades. Louis XVI est ravi.

Le voyage du retour est mouvementé. La noblesse versaillaise a orchestré des révoltes paysannes qui mettent en péril le petit convoi royal et son escorte réduite. Louis XVI commence à entrevoir la triste fin de son règne. Une fois relatée la fin du voyage en Normandie et les projets du souverain pour en tirer les conséquences et réformer le pays, le dernier chapitre du roman narre avec délicatesse, réalisme et véracité la mort du roi le 21 janvier 1793.

La base historique du roman est parfaitement établie. Le voyage eut lieu du 21 au 29 juin 1786. Si Le voyage de Louis XVI en Normandie, mémoire de recherche de 1970 de Jeanne-Marie Gaudillot – qui fut l’une des sources de référence de Gérard de Cortanze – est pratiquement introuvable (et d’ailleurs fort cher), les férus d’histoire pourront se référer à un petit document fort bien fait et disponible sur le site des archives de la Manche.

https://www.archives-manche.fr/_depot_ad50/_depot_arko/basesdoc/2/18036/didac-doc-36-voyage-du-roi-louis-xvi-a-cherbourg-juin-1786-.pdf

Ils y trouveront des cartes, des plans et vues de Cherbourg, des croquis constructifs des travaux de la digue et divers détails relatifs au voyage du roi.

Mais, férus d’histoire ou pas, tous devraient apprécier ce très bon roman dont je recommande vivement la lecture.

LV(H) Dominique RENIE
05/02/2022

Le roi qui voulait voir la mer
GÉRARD DE CORTANZE
Albin Michel

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