Errances

C’est un bien beau livre d’histoire et de mer que nous offre Olivier Remaud, philosophe et universitaire, qui a déjà beaucoup écrit sur les voyages, la solitude et l’histoire, entre autres. C’est aussi un beau destin qui est au centre du livre, celui de Vitus Bering (1681- 1741). C’est le récit de sa vie, celle d’un grand marin né au Danemark, engagé dans la marine russe de Pierre-le-Grand, qui a établi, à l’issue de deux campagnes mémorables, la reconnaissance du littoral de l’Alaska (que les Etats-Unis devaient acheter à la Russie en 1867) et qui est mort du scorbut, au retour de la seconde expédition, à l’issue de l’échouage du navire amiral, dans une île à qui on donnera son nom, à proximité du Kamchatka. Le nom de Bering sera aussi et surtout donné au détroit qui sépare l’Asie de l’Amérique et qui est devenu un des points de suture majeurs de notre monde, pendant la Guerre froide et encore depuis.

C’est une histoire de mer paradoxale que nous conte Olivier Remaud car chacune des expéditions dans le Pacifique débute par un incroyable et long périple terrestre, à travers une Sibérie de tous les dangers, vers les côtes de la mer d’Okhotsk, là où le vrai voyage maritime commence, bien court, lui, à cause des limites de l’été arctique, mais pourtant suffisant pour repenser les distances alors envisagées dans la cartographie balbutiante de ces parages. C’est encore sur ce littoral que doivent être construits les bateaux de l’expédition, chantier titanesque aussi. Dans le XVIIIème siècle du Petit âge glaciaire, il n’était pas question de Route maritime nord pour aller de l’Atlantique au Pacifique ! Mais c’est en marin que Bering mène aussi ce périple terrestre, comme il doit éviter les écueils causés, à St-Pétersbourg, par les intrigues de la cour et de l’amirauté.

Le récit est également psychologique. La réussite d’Olivier Remaud tient en ce que, à partir d’une érudition universitaire totalement exhaustive et internationale sur le sujet, dont il rend compte dans un épilogue bibliographique, puisée aussi dans les mémoires des autres protagonistes de cette aventure, il donne chair et âme au personnage de Bering, à sa femme Anna et à toutes les fortes personnalités de l’histoire. Le récit, la mer, la Sibérie, les hommes, les animaux sont tels que vus par Bering lui-même. L’histoire devient roman – et un beau roman, à la plume élégante et fine – et le roman se mue en une autobiographie où Olivier Remaud cède à la passion et à la magie de devenir Vitus Bering. Il réussit pleinement à nous le faire croire.

CV(R) Marc LEVATOIS
12/10/2019

Errances
Olivier Remaud
Editions Paulsen

Voir également la recension du CF(H) Jean-Paul BILLOT, du CV(H) Gérald BONNIER et du CF(H) Alain BRIERE

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