Un océan, deux mers, trois continents

On appelle aujourd’hui « Nigrita » la statue de marbre érigée à Rome en janvier 1608 par les soins du pape Paul V et visible au Quirinal. Elle est celle de Nsaku Ne Vunda, né vers 1583, baptisé et ordonné prêtre sous le nom de Dom Antonio Manuel au royaume du Kongo. Nigrita est la voix narratrice qui conte sa propre aventure, celle d’une improbable – mais réelle – mission diplomatique auprès de Clément VIII, confiée par le roi Álvaro II, nouvellement monté sur ce trône d’Afrique, à ce jeune pasteur qui pensait consacrer sa vie à la construction d’une simple chapelle en haut d’une colline. Le voyage, d’une durée de trois ans, fait de navigations sur des navires négrier et corsaire, de marches sous le soleil andalou et d’un passage dans les geôles de l’Inquisition espagnole, sera long et semé d’embûches.

Un océan, deux mers, trois continents, se situe en mer sur près de deux cent pages. On ne saurait dire pourtant qu’il s’agit d’une épopée maritime. Les thèmes y sont plutôt la religion, la spiritualité et, plus encore, la traite transatlantique et l’horreur de l’esclavage.

L’originalité de ce roman n’est pas dans la description des navires, ni dans celle de l’installation et du traitement des esclaves, encore moins dans celle des navigations ou des combats. Wilfried N’Sonde, s’il a travaillé le sujet, n’est pas là dans son élément premier.

La vraie singularité de l’ouvrage réside dans la perspective du point de vue, celle d’un homme africain, témoin de la traite sans être ni esclave ni marchand, qui regarde ce commerce pratiqué sans scrupule par des européens chrétiens avec l’accord de son souverain qui l’est tout autant et qui ne trouve aucune cohérence entre la réalité des faits et les principes inculqués par son Eglise. Et qui décide pour cela de mener à terme son ambassade, pour en alerter le pape.

L’écriture et le style de Wilfried N’Sonde sont plaisants. Les images sont fortes. La dénonciation d’une pratique inhumaine est faite avec clarté. La défense d’une humanité que l’on souhaite plus humaine, plus généreuse et méritant d’être célébrée, aussi. Plein d’ardeur poétique, l’auteur signe un vibrant plaidoyer pour la tolérance, qui célèbre les nécessaires vertus de l’égalité, de la fraternité et de l’espérance.

CC(R) Jean-Pascal DANNAUD
04/06/2018

Wilfried N’Sonde
Un océan, deux mers, trois continents
Actes Sud – janvier 2018

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