Dans le port baleinier de Roodhaven, les marins gardent au cœur le souvenir des naufrages qui ont emporté les leurs et dont, pour certains d’entre eux, ils sont sortis indemnes. Tous se souviennent notamment de la disparition du Golden River, coulé par une baleine dont nul n’avait soupçonné la présence. Lorsqu’un imposant crabe-méduse s’échoue sur le rivage, qu’un biologiste missionné par un institut marin pour étudier le phénomène arrive sur place et qu’une femme singulière aux allures de sirène apparaît, les blessures et les envies de revanche se raniment chez les survivants.

Aquarica renoue avec les récits d’aventure maritime du 19^ème siècle. Bien sûr, le sujet fait immanquablement penser à Moby Dick de Melville. Il serait cependant plus juste de trouver une filiation dans les romans d’anticipation de Jules Verne : aux confins des connaissances, les phénomènes inexpliqués – qui inquiètent légitimement le commun – ne le sont que parce que la science n’en a pas encore éclairci les mécanismes.

Le récit de Benoit Sokal et François Schuitten se situe volontairement dans cette zone d’ombre où de nouveaux savoirs sont sur le point d’émerger, encore nimbés de mystère. Le scénario, tel un puzzle, se construit de manière pointilleuse et se déroule, comme sous l’œil froid d’un microscope que regarderait une conscience supérieure.

Le dessin renforce ce parti pris des deux auteurs belges ; l’univers que crée Sokal, sombre et poisseux, reflète bien ces périodes de transition entre les âges noirs marqués par l’ignorance, les croyances simples ou le mysticisme, et l’avènement prochain de découvertes scientifiques encore insoupçonnées.

La lumière, sans nul doute, viendra de la belle Aquarica et du jeune chercheur John Greyfield, dans le prochain tome de cette histoire originale et insolite.

CC(R) Jean-Pascal DANNAUD

Benoit Sokal, François Schuitten
Aquarica, tome 1, Roodhaven
Rue de Sèvres – octobre 2017