Sucre noir

Sucre noir est ancré dans les terres intérieures. Dans une île des Caraïbes, au nom ignoré, la forêt dense, moite et luxuriante, et les champs de canne à sucre sont un paysage infiniment renouvelé. Jamais on ne voit la mer.

Et pourtant, ce livre s’ouvre sur le naufrage, fabuleux, épique, stupéfiant, d’un trois-mâts échoué sur la canopée. Peu importe comment le navire est arrivé là, ainsi est la fable. A son bord, le terrible flibustier Henry Morgan fait face aux éléments déchainés par la tempête, à son équipage mutiné et à la mort. Pendant que le pirate agonise, le navire finit par sombrer et s’enfonce inexorablement dans la jungle. Mais pas dans l’oubli : la légende de fameux trésors perdus émerge déjà.

L’histoire commence véritablement trois siècles plus tard, sur cette terre où vivent désormais des planteurs de cannes et où débarquent des chercheurs d’or qui arpentent en vain le lieu du drame et ses alentours. Ezequiel et Candelaria Otero ont une fille, Serena, dont la beauté rebelle séduit le premier explorateur, Severo Brocamonte. Il reste, l’épouse et développe avec patience le domaine familial. La plantation devient rhumerie. Severo en oublie ses rêves aurifères, parfois juste ravivés par un aventurier de passage. La richesse est ailleurs : dans les caresses et les yeux de Serena, et dans le rythme lent des cultures et des saisons. Après tout, le coffre de Morgan n’est sans doute qu’un songe.

La fille adoptive de Severo et Serena, Eva Fuego, est d’un autre bois. Habitée par une force inconnue de ses parents, elle poussera la croissance du domaine à l’extrême, avec caractère, détermination et cupidité, jusqu’à la chute, terrible. Le trésor d’Henry Morgan défait les destins de ceux qui s’en approchent. Et paradoxalement, encombre ceux qui ne l’ont jamais cherché.

Sucre noir est un conte, qui emprunte au réalisme magique d’un Gabriel Garcia Marquez. Miguel Bonnefoy, né d’une mère vénézuélienne et d’un père chilien, sait faire parler ses racines. Il le fait dans une langue française riche, imagée, élégante et gracile. Avec lui, les passions se mêlent aux rêves de réussite et d’amour, la permanente flamboyance de la nature étreint la sécheresse sporadique des relations humaines, et les regrets côtoient les espérances sauvages.

La flibuste n’est un prétexte pour cette chronique, qui n’est en rien maritime. Elle n’y est qu’évocation. Mais ne vous y trompez pas, ce roman est une très belle invitation au rêve et au voyage.

CC(R) Jean-Pascal DANNAUD
18/09/2017

Miguel Bonnefoy
Sucre noir
Rivages – août 2017

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