Pierre Nicole, né en 1942 dans le village de Saint-Pierre, a passé sa jeunesse entre les îles Saint-Pierre, Langlade et Miquelon, avant de rejoindre la métropole pour aller au lycée. Il reviendra régulièrement sur l’archipel, avant de mener une carrière d’universitaire aux Etats-Unis, spécialiste de la littérature française en général et de Proust en particulier.

Le silence des cartes est un recueil de textes divers, mêlant poèmes, citations, notes et images, qui tous évoquent l’archipel, les souvenirs d’enfance, l’exil métropolitain ou sur le continent nord-américain. Si ces miscellanées ne constituent pas un ensemble cohérent, elles recèlent toutefois quelques pépites, qui émergent d’autant plus qu’elles brillent dans un ensemble inégal. « J’ai perçu le trait d’union outrancier de l’outre-mer dans la voix de ma grand-mère sur le quai de la Roncière, alors que nous venions d’apprendre la chute de la bien-nommée Diên Biên Phu ».

Plus qu’un ouvrage maritime, il s’agit d’une rêverie sur l’insularité, la famille et les figures familières. Car si les doris de pêche naviguent entre l’Île aux Marins, Pointe-Plate ou le Cap Percé, si la Pointe aux Soldats côtoie la Passe du Colombier, c’est vers la terre que regarde l’auteur.

Il faut avoir eu la chance de passer quelques jours sur ce vestige d’empire pour saisir cette atmosphère particulière qui s’en dégage – renforcée ici d’évocations lointaines des Forces Navales Françaises Libres ou de l’aviso Ville-d’Ys – et pour apprécier ce sentiment fugace qu’ont les habitants d’un abandon de leur outre-mer, qui  se niche absurdement dans le moindre détail : «  « L’Outre-mer c’est nous, c’est-à-dire rien », soupirait le notaire en remarquant que le Guide Michelin ne mentionnait même pas le restaurant La Perdrix Grise à Miquelon ». Car c’est un ouvrage où se mêlent l’intériorité des impressions, un certain hermétisme du style et la mélancolie de l’intime.

CC(R) Jean-Pascal DANNAUD
24/04/2016

Eugène Nicole
Le silence des cartes
Editions de l’Olivier,
mars 2016