Le grand marin

CouvertureLeGrandMarinUne française en rupture de ban quitte Manosque-les-Plateaux un beau jour de février. Son but : partir loin, très loin, telle une fugitive. Prendre le large, au sens propre comme au figuré. Son objectif : l’Alaska. Ainsi arrive-t-elle à Kodiak, où elle trouve vite des embarquements pour des campagnes de pêche, aussi dures les unes que les autres : à la morue, au flétan, au crabe… Mue par une énergie intime d’une très grande force, Lili va peu à peu faire sa place dans ce monde d’hommes, âpre, dangereux, sans concession, où le travail abrutit les corps et où la mer est sans pitié. Rare femme acceptée dans le milieu, elle mène avec ses camarades masculins une existence aux marges, sans logis, sans foyer, sans richesse si ce n’est celle des rencontres innombrables. A terre, toujours, elle ne rêve que de repartir en mer, l’aventure chevillée au cœur. Jusqu’à ce qu’elle croise Le grand marin.

A 56 ans, Catherine Poulain se dévoile dans ce premier roman autobiographique, et y raconte ses dix années passées en Alaska.

Roman singulier à dire vrai. Car derrière la vie de pêcheur qu’elle décrit avec minutie, maîtrisant bien les images des navigations houleuses, des filets qui s’accrochent et des palangres qu’il faut abandonner à la mer, derrière ces images violentes de ce qui est – il faut le dire – un métier de forçat, rude et à peine rémunéré, il y a dans ce personnage de petit bout de femme quelque chose d’une frénésie fragile. Qu’a donc Lili à tant vouloir se faire mal ? Et qu’a-t-elle donc à prouver, aux autres comme à elle-même ?

Roman de pêcheurs, mais aussi récit sur une vie en lisière du monde, où se côtoient des êtres aux fêlures profondes, Le grand marin recèle une grande mélancolie. A terre, passée l’aventure des campagnes, il y a surtout des promenades sans buts et des beuveries à en tomber, des petits boulots misérables, une sorte d’engourdissement recherché avec ferveur. L’histoire d’amour entre Lili et Jude est à cette aune : celle de deux écorchés vifs, deux radeaux à la dérive, qui arrivent à s’arrimer un peu le temps de souffler, le temps d’un peu de tendresse, dont ils manquent cruellement tous deux.

Le style déroutera, qui mêle sans cesse dans une même phrase le narratif et les dialogues, et associe douze idées à la suite comme ballotées, telle une cargaison désarrimée. La mer démontée est partout chez elle ! C’est un texte intérieur, à lire concentré comme sur une table à carte. A voix haute, le lecteur serait comme en plage arrière, fouetté par les paquets de mer et la tempête  : il serait seul à s’entendre.

CC(R) Jean-Pascal DANNAUD
07/03/2016

Catherine Poulain
Le grand marin
Editions de l’Olivier, février 2016

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