Ce livre a reçu le Prix Marine Bravo Zulu 2016 dans la catégorie « Bandess-dessinées ».

1742. Le roi Louis XV et son Secrétaire d’Etat à la Marine, le comte de Maurepas, reçoivent de funestes nouvelles du Canada. Les Anglais, concurrents aux Colonies comme en Europe, alliés à des tribus indigènes, y fomentent de sournoises intrigues. Mandaté par Sa Majesté, Yann de Kermeur – l’Épervier – doit rejoindre la Nouvelle-France pour prendre la suite du chevalier de Talmont, mort tragiquement. Désormais au service du Roi, il va se heurter aux complots qui, à Versailles comme à Brest, sur mer et au-delà de l’océan, tentent d’entraver sa mission. Tout en gardant une pensée pour Agnès de Kermellec, désormais fiancée à Monsieur de Beaucourt, il se lance dans l’aventure…

 Après deux premiers tomes, au cours desquels s’installait l’intrigue de ce nouveau cycle et où déjà il déjouait les embûches tendues par ses ennemis, Kermeur était enfin parvenu à prendre la mer. Désormais à bord de la Méduse, il est confronté à de nouvelles difficultés. Sa frégate est prise en chasse par des navires arborant le red ensign et certains de ses passagers sont particulièrement malcommodes. En France, les forces obscures sont plus que jamais à l’œuvre. L’Epervier pourra-t-il achever sa traversée vers Louisbourg ? Comment y sera-t-il accueilli ?

 Patrice Pellerin, poursuit l’œuvre amorcée en 1994 avec le souci de réalisme qui le caractérise. Il s’appuie sur les ouvrages de Jean Boudriot pour la partie maritime et, plus largement, sur un réseau de spécialistes du XVIII^e siècle, français et canadiens.

L’histoire s’inscrit pleinement dans la réalité de son temps. Celle de la Guerre de Succession d’Autriche (débutée en 1740) : si, officiellement, la paix règne encore entre la France et le Royaume-Uni – mais les tensions existent déjà aux Indes et au Canada -, l’arrivée au pouvoir d’un nouveau ministère whig à Londres, début 1742, résolument anti-français, ne tardera pas à changer la donne. Celle aussi de la fin de l’ère Fleury et du réveil des factions. S’appuyant sur ce contexte historique, le scénario, riche, fait de trois parties entremêlées (L’Epervier – Versailles – Kermellec), mêle affaires d’Etat, conjurations et intrigues amoureuses dans une belle densité narrative.

Bon scénariste, Patrice Pellerin est également un excellent dessinateur. Les scènes navales sont parfaitement reconstituées. De même, la vie à Versailles est superbement replacée dans son époque. Grâce à un trait minutieux et un goût prononcé du détail (bâtiments et pavillons, costumes de cour, architecture, mobilier, …), le dessin, avec ses multiples angles de vue, est un ravissement qui donne le sentiment « d’y être ».

Pour les amateurs de BD historiques et d’aventures, la sortie d’un tome de L’Épervier est un évènement. Coulez la Méduse !, à la fois romanesque et soigné, ne fait pas exception. Reste qu’il faudra trois ans de patience (ou de circumnavigation) avant le prochain opus…

CC (R) Jean-Pascal DANNAUD
01/01/2016