Sous le soleil de minuit

1915. Arrivé à Panama avec Raspoutine, Corto Maltese met le cap sur San Francisco, espérant y retrouver Jack London. Ce dernier, parti au Mexique, lui a laissé un message, par lequel il lui demande de remettre une lettre à Waka Yamada, ancienne meneuse de saloon devenue figure de proue de la lutte contre la traite des blanches. S’ouvre pour Corto un voyage périlleux dans les étendues sauvages du Grand Nord. Il devra affronter le froid, une ligue de souteneurs nippons, une tempête en mer de Beaufort, un chef de tribu inuit féru de Révolution française (version Robespierre et guillotine), des patriotes irlandais, et un scientifique à la fiabilité douteuse. Sous le soleil de minuit, Corto pourra-t-il garder son flegme légendaire et son regard distancié sur les évènements ?

Vingt ans après la disparition d’Hugo Pratt, le ténébreux marin reprend du service, sous la direction d’un tandem espagnol. Pour ce premier opus, les auteurs se sont livrés à un exercice de style ardu : il ne fallait être ni copiste, ni archiviste, ni révolutionnaire. La ligne de crête était dès lors étroite et nécessitait de l’imagination contenue.

L’arrière-plan historique (l’Amérique du Nord au début de la Première Guerre Mondiale) permet de larges développements : Exposition Internationale liée à l’ouverture du Canal de Panama, recherche pétrolière et minière, contestations territoriales entre le Canada et les Etats-Unis, statut des peuples premiers, condition des femmes. Beau terrain de jeu pour Corto… Il n’est pourtant pas seul et croise de nombreux personnages. Une partie de ceux-ci sont des familiers (Raspoutine, London) auxquels se mêlent de nouveaux venus, aux archétypes attendus.

Ce treizième album dont l’action se déroule après La Ballade de la Mer Salée, est plutôt bien construit. Les codes de la geste maltésienne sont amplement recyclés : Corto soliloque un peu ; il ne cède pas aux sirènes des puissants ; il incarne toujours une forme d’idéalisme, une ouverture sur un monde en mouvement, tout en étant empreint d’individualisme. Mais il n’a pas entièrement retrouvé l’étoffe qui était la sienne. Il semble ouvrir un cycle d’aventure, où l’onirisme – si marqué dans les derniers ouvrages d’Hugo Pratt – est absent. Peut-être lui manque-t-il un peu des silences sans lesquels il ne serait qu’un marin comme les autres.

Cette bande dessinée plaira, mais risque de décevoir aussi les afficionados de longue date. Elle n’est certes pas un coup de maître – il aurait fallu pour cela faire oublier l’original, ce qui relevait de l’impossible. Mais elle est sans conteste un beau coup d’essai.

A noter qu’il existe trois versions de cette aventure, l’une en couleurs (88 pages), l’autre en noir et blanc (96 pages), et un tirage de luxe.

C.C. (R) Jean-Pascal DANNAUD
31/12/2015

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