Amiral Paul MARZIN: Journal

Pour ceux de ma génération, les baby-boomers en général, et les marins en particulier, l’attitude de la Marine française pendant les années dramatiques de 1940 à 1944 reste très difficile à comprendre sereinement. Alors même que les derniers témoins nous quittent, la blessure n’est toujours pas guérie.

La fille de l’amiral Marzin rend un hommage bien sympathique à son père, mais surtout nous fait vivre de l’intérieur les situations  intenables et les choix déchirants auxquels cette génération a dû faire face. Ni historienne ni journaliste, elle nous livre le Journal de son père, en y insérant habilement des notes historiques simples et factuelles ou bien plus personnelles et familiales. Grâce à sa présentation, il est aisé de se placer dans la situation de l’époque, mais pas forcément de trancher. L’histoire officielle nous a été injectée suivant le principe éternel du « Vae victis », la réputation de la Marine française à Vichy est mauvaise et donnée comme inexplicablement loyale à un gouvernement collaborateur, infesté d’amiraux félons…  Objectivement, qu’en est-il ?

Marin courageux et parfaitement loyal à son pays (Honneur, Patrie, Valeur, Discipline) l’amiral Marzin (AEN13) eut une carrière brillante jusqu’à ce que l’Histoire ne lui fasse plus de cadeaux. Commandant du Richelieu qu’il exfiltre in extremis de Brest, il est à Dakar lorsque Churchill commet à Mers-El-kébir, le 8 juillet 1940, une faute politique majeure. Ce dernier décide pratiquement seul et impose à ses marins l’attaque de leurs compagnons d’armes de la Marine française (1 300 morts). Les conséquences seront incalculables… Il repousse à Dakar l’expédition gaulliste du 24 septembre 1940. De retour à Vichy, et moins anti-anglais qu’il n’aurait pu l’être, il est chargé de négocier avec la commission allemande d’armistice. Partie de poker menteur où il freinera la collaboration militaire de l’amiral Darlan, qu’il désapprouvait complètement. Le débarquement allié en Afrique du Nord le 8 novembre 42 fait tout basculer et donne une dernière chance à Vichy de rallier honorablement le camp des ennemis de l’occupant. Or, le Maréchal Pétain refuse de partir avec la flotte pour Alger : aussi le sabordage de Toulon le meurtrit-il profondément en tant que partisan du départ de la flotte. Il avait démissionné dès le 19 novembre 42, tenté de passer à Alger, puis d’entrer dans la Résistance, mais tenu à l’écart, par vengeance, il ne pourra participer activement à la Libération. Blanchi avec honneur par la commission d’épuration, il ne retrouvera pas de situation dans la Marine.

Son histoire mérite le respect : on peut comprendre la tristesse et l’amertume de sa fille qui nous livre ici un témoignage exceptionnel et éclairant. Qu’aurions-nous fait en pareilles circonstances ? Gardons-nous de juger hâtivement avec les critères et les références d’aujourd’hui. Les responsabilités, l’environnement immédiat et les informations disponibles alors, devaient sérieusement obscurcir la vision. La personnalité des chefs et leurs entourages aussi : orgueil obstiné et sénile d’un côté, orgueil ambitieux et sans scrupules de l’autre.

« Il m’est toujours resté l’impression d’avoir été roulé comme un galet par la mer », écrit-il en 1955 à son fils. L’excellente préface de l’amiral Lanxade est aussi à relire en postface.

CF (H) Luc BRENAC

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