Kililana Song – T2
- Auteur CF(R) Jean-Pascal DANNAUD
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Sur l’archipel de Namu, sur la côte nord-est du Kenya, l’histoire s’accélère autour des personnages que le premier tome avait délicatement installés. Günter, le capitaine hollandais est enlevé par des shebabs somaliens. Le vieux Nacouda veut finir dignement, libre. Jahid s’est fait voler la drogue qu’il devait livrer, déjà payée par Jean-Philippe qui, en manque, sombre dans la déchéance. Hassan découvre dans les bras d’une femme d’autres vérités que celles de l’école coranique. Le vieux sage – à moins qu’il ne soit fou – et le jeune Naïm prennent la mer, guidés par les esprits, avec une singulière cargaison à bord …
Ce second couplet de Kililana Song est une ode onirique, d’une grande sensibilité, où se mêlent la mer, la vie, la mort et les rêves. Et une réflexion subtile sur cette partie de l’Afrique, telle qu’elle est aujourd’hui.
Car au-delà d’être un formidable roman choral, dont les protagonistes – si humains, faits de chair et de sentiments – allient certitudes, doutes, forces et faiblesses, cette bande dessinée pose avec intelligence un regard sur les changements dans cette partie du monde. Par-delà les intrigues individuelles, c’est une fenêtre sur des questions plus vastes qui est ouverte : les trafics de tous poils, l’affairisme occidental et asiatique, les intérêts pétroliers, la montée de l’islamisme, la présence chinoise et américaine. Et la lutte des peuples pour s’adapter à ces forces telluriques.
Plus encore que le premier volume, dont nous avions déjà loué la qualité, ce second opus présente des dessins d’une grande force. Les paysages, maritimes ou terrestres, sont traités avec la minutie de carnets de voyage. Les scènes d’abandon le sont avec une densité de couleur profonde et des jeux de lumières étudiés. La nature s’impose, vivante, toujours et malgré l’homme. Et les navigations sont si belles.
Benjamin Flao, l’auteur, signe ici une chanson céleste où l’adrénaline et une certaine sérénité s’entremêlent, où le réalisme côtoie l’émotion. On en sort comme porté, ébahi et soufflé. Sonné et ravi comme si l’on avait affronté une tempête. Et l’on se prend à vouloir remettre « le nez dans la plume ».
LV (R) Jean-Pascal DANNAUD