Le monde en 2030 vu par la CIA
- Auteur CF(H) Luc BRENAC
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Voici un livre qui inspire a priori un sourire sceptique et admiratif.
Sceptique, parce que la CIA n’est pas universellement reconnue comme fournissant des analyses très pertinentes, ayant permis de conduire des politiques militaires bien brillantes. Je n’en dirais pas autant des politiques économiques, qui sont remarquablement efficaces.
Admiratif, parce que l’entreprise de prédire l’avenir n’a, jusqu’à présent, jamais été couronnée de succès (à part Jules Verne dans le domaine technologique) et se révèle donc très courageuse. On ne peut donc aborder ce livre qu’avec précaution.Un premier crédit doit être accordé à la méthode américaine de conduite de projet : retour d’expérience émanant des quatre éditions précédentes, large consultation des élites intellectuelles nationales et internationales, synthèses pyramidales, contre-examens, vérification des sources, utilisation de blogs, de think tanks et de consultants, etc.
Un deuxième crédit peut être concédé à la bonne volonté des auteurs : l’approche la plus panoramique possible, la prise en compte multidisciplinaire, la remise en cause de sa propre démarche, l’exposé des critiques reçues, l’effort pathétique pour embrasser la planète Terre.
Un dernier crédit peut être octroyé à la présentation articulée, organisée et synthétique qui devrait porter les cartésiens français au comble du bonheur.
Tout cela est bel et bon.
Et puis, tout s’effiloche dans ma pauvre tête saturée par tant d’informations : 4 grandes tendances, 6 catalyseurs de changement, 8 cygnes noirs pour aboutir à 4 scenarii de mondes possibles. Tant d’éléments, si intelligemment distillés, se bousculent sans jamais conclure.
Le chaos ne décante pas. Je déchante.
Les auteurs avaient bien prévenu : « nous ne cherchons pas à prédire l’avenir, prouesse irréalisable ». L’auteur de la préface aussi : « Il faut lire et dépasser ce rapport, trouver des angles morts, se méfier des travers pour s’échafauder son opinion, sa projection ».
Donc, j’ai recherché dans ce rapport les signaux faibles, mais en vain. Sans épingler les travers et les biais, on peut simplement identifier un absent de marque : l’Homme.
Oui, le grain de sable humain. Celui qui fait l’Histoire. Le prophète, l’inventeur, le saint ou le psychopathe qui renverse la table.
Il est piquant que la CIA ait oublié l’homme, quantité probablement négligeable à ses yeux !
Alors tant pis, si les éléments de réponse présentés restent épars. Tant pis, si toutes ces questions demeurent ouvertes, sous l’éclairage violent du scialytique que constitue ce livre très ambitieux et pas très digeste.
Elles restent ouvertes… comme le champ opératoire ensanglanté d’un chirurgien intrépide.
CF(R) Luc BRENAC