Le loups des mers

PMO_LeLoupDesMerFin du 19ème siècle. Critique littéraire issu de la bonne société, Humphrey Van Weyden prend le bac pour traverser la baie de San Francisco. Le voyage devrait être sans histoire. Mais dans la brume épaisse, c’est le naufrage. Recueilli sur le Fantôme, goélette en route vers le Japon pour la chasse au phoque, il est enrôlé de force comme mousse.

S’ adapter à l’âpre vie maritime n’est guère aisé pour l’écrivain, d’autant que l’équipage est rude. Moins que son capitaine cependant, qui semble le diable en personne : un colosse mauvais, emporté et violent, mais intelligent, cultivé et philosophe. A son contact, dans une relation ambiguë faite de haine et de fascination réciproque, Van Weyden va se métamorphoser pour survivre. La compétition entre les deux hommes va s’accentuer après l’arrivée à bord d’une jeune femme, qui devient l’enjeu de leur rivalité. Cela peut-il bien finir ?

Librement adapté du roman éponyme de Jack London, le scénario de cette bande dessinée en reprend le sombre regard sur l’homme. Sans valeurs, sans convictions, sans aspirations, celui-ci court à sa perte. Il est permis aussi d’y voir le face à face sauvage et métaphysique entre une créature archaïque, herculéenne, dotée d’une grande habileté intellectuelle et d’un discernement élevé, incarnée par Loup Larsen, avec un être contemporain, éveillé et talentueux, mais plus vulnérable car attaché à une éthique vitale, figuré par Van Weyden. Les joutes verbales – quand il ne s’agit pas d’échanges musclés – entre les deux hommes ne manquent pas d’intérêt. Et les citations (Kipling, Shakespeare,…) donnent un tour lyrique inattendu au théâtre austère et féroce où s’affrontent ces titans.

Le dessinateur apporte à ce huis clos une vraie profondeur. Le choix d’une couleur dominante par chapitre, le plus souvent sombre, rend chaque épisode unique tout en conférant une forte unité à l’ensemble. Le jeu des teintes en bichromie et l’usage des ombres renforcent le caractère dramatique de l’œuvre : plus que d’une mise en couleur, c’est de la mise en lumière d’un roman noir dont il s’agit. Le trait précis, appuyé jusqu’à la caricature, donne de la vie aux personnages, dont les trognes reflètent la force de caractère ou les errements de l’âme. Larsen, surtout, à mi-chemin entre loup des steppes et figure mythologique, est d’une force incroyable.

Par sa poésie désappointée et son aspect ténébreux, cette bande dessinée s’adresse définitivement aux adultes. Mais s’agissant d’un roman de mer et d’aventure, avec ses affrontements terribles entre l’homme et les éléments qui engloutissent tout sauf à s’élever contre eux, ses scènes de pêche (qui ne sont pas sans rappeler Moby Dick), et l’emprunt aux pratiques de la flibuste, cet ouvrage plaira également à un public plus jeune. D’autant qu’il y est aussi question d’apprentissage et d’adaptation face à l’adversité.

Après le très bon « A bord de l’étoile Matutine », sorti dans la même collection en 2009, Riff Reb’s offre ici un ouvrage qui confine à l’excellence.
LV(R) Jean-Pascal DANNAUD

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