Les sentiers obscurs de Karachi

Olivier Truc, journaliste, documentariste, réalisateur, vivant à Stockholm, ne commence sa carrière d’écrivain qu’à 42 ans en 2006. Spécialiste jusqu’alors des pays nordiques et baltes, il nous entraîne cette fois à Karachi, au Pakistan, qu’il a découvert lors d’une résidence de lecture pour un Festival.

Plus qu’à un récit policier, l’auteur nous emmène dans une quête de soi, d’humanité et de vérité.

Le héros, Jef Kerral, habitant Cherbourg, fief de la DCN, jeune journaliste mal dans sa peau et fils d’un ingénieur de la DCN avec lequel il a coupé tout contact, part sur un coup de tête, juste avant le 20ème anniversaire de l’attentat, chercher la vérité sur son père, son ex-ami devenu père « adoptif » (Marc Dacian, rescapé de l’attentat) et l’ami pakistanais de celui-ci, l’officier Shaheen.

Si le début de l’ouvrage est un peu rébarbatif comme un xième documentaire sur l’attentat à la bombe contre un bus de civils survenu à Karachi le 8 mai 2002, le récit, après quelques pages, prend une voie parallèle palpitante (les sentiers obscurs) et s’attarde non plus sur les faits mais sur le ressenti et le vécu des protagonistes et sur le Pakistan. L’auteur nous apporte ainsi un nouvel éclairage sur cet événement ayant fortement frappé à l’époque en raison de sa brutalité (14 personnes tuées dont 11 ingénieurs français de la Direction des Constructions Navales présents à Karachi dans le cadre d’un contrat d’achat de sous-marins français) et de ses mystères toujours non résolus de nos jours (soupçons de pot de vin, de financement obscur de campagne présidentielle française, rétrocommissions…). Il nous fait également sentir et ressentir Karachi de manière implicite ou explicite lorsque, par exemple, il illustre parfaitement l’absence de castes ou de parias au contraire de l’Inde, pays frontalier, mais l’existence de classes sociales bien marquées ne se mélangeant pas ou qu’il nous emmène dans les rues de Karachi. Tous ceux ayant eu la chance (comme moi) de séjourner à Karachi s’y retrouveront projetés.

L’objectif annoncé était de découvrir les dessous de l’affaire et prouver ainsi que Jef était un bon, un grand journaliste. En fait, à la fin de l’histoire on ne saura toujours pas la vérité mais on n’en saura beaucoup plus sur ses protagonistes, les répercussions de l’accident… et surtout sur le Pakistan, pays magnifique mais plein de mystères et de contradictions, tout en subtilité. De même, si le jeune journaliste renoncera finalement à écrire un article classique sur l’attentat, il se sera ouvert au monde, transformé, réconcilié avec son père et aura trouvé sa voie.

Muriel JOYEUX
08/08/2023

Les sentiers obscurs de Karachi
Olivier Truc
Métailié

Voir également la recension du CF(H) Philippe BEAUCHESNE

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