Le CSS ALABAMA

Depuis que le traité de Paris du 30 mars 1856 a supprimé les corsaires et confié la guerre contre le commerce maritime aux seuls bâtiments militaires, certains de ceux-ci y ont acquis la célébrité : nul n’ignore ainsi les noms du Seeadler, de l’Emden ou de l’Atlantis. Peut-être sait-on moins que le record dans ce domaine appartient, et de loin, à un croiseur sudiste de la guerre de Sécession américaine, le CSS Alabama, qui, au cours de près de deux ans de croisière, ne détruisit ou rançonna pas moins de 65 (soixante-cinq !) navires marchands nordistes (et cela sans causer une seule victime), plus la corvette unioniste USS Hatteras. Bref, les noms de l’Alabama et de son vaillant commandant, le capitaine de vaisseau Raphaël Semmes, méritent une place privilégiée dans l’histoire des guerres navales.

 Le 19 juin 1864, l’épopée de l’Alabama connut une fin glorieuse, lorsqu’il fut détruit au large de Cherbourg par le croiseur fédéral USS Kearsarge, plus récent, plus rapide et plus puissamment armé. Ensuite, durant près d’un siècle, son épave fut sporadiquement recherchée au large des côtes du Calvados, jusqu’à ce qu’enfin, le 30 octobre 1984, le capitaine de corvette Bruno Duclos ne la découvrît et ne l’identifiât grâce aux moyens de détection perfectionnés du chasseur de mines Circé qu’il commandait alors.

 La découverte de cette épave historique, retrouvée dans les eaux territoriales françaises, fut à l’origine d’une controverse, parfois émaillée de propos aigres-doux, entre la France et les États-Unis qui en revendiquaient tous deux la propriété. Comme de coutume en matière diplomatique, le litige fut résolu par l’élaboration d’un règlement ménageant les intérêts des deux parties, ce dont, du reste, la France devait tirer à son tour avantage en 1995, lors de la découverte des vestiges du navire de René-Robert Cavelier de La Salle, La Belle, perdu sur les côtes du Texas en 1686.

Ce livre constitue une somme. Il relate d’abord, dans ses moindres détails la fructueuse croisière de l’Alabama contre les navires marchands nordistes des Açores à l’Extrême-Orient en passant par le Brésil et l’Afrique du Sud. Le combat final au large de Cherbourg tient ensuite une large place, avec les relations proprement dites de l’engagement, mais aussi les réactions des autorités officielles, tant françaises qu’américaines, le rôle des consuls des deux belligérants, les récits des nombreux témoins, dont l’ingénieur du Génie maritime Joseph-Émile Joëssel, les œuvres laissées par les photographes cherbourgeois, ainsi que par des peintres tels que Jean-Baptiste Durand-Brager et, bien sûr, Édouard Manet (qui, pourtant, n’était pas présent).

La seconde partie de ce livre, enrichi de bout en bout de superbes illustrations, se rapporte aux objets découverts sur l’épave, d’abord, entre 1988 et 1996, par le GRAN (Groupe de Recherches en Archéologie Navale), fondé par le capitaine de vaisseau Max Guérout et l’amiral Jean-Noël Turcat, puis, à partir de 1999, par l’archéologue américain Gordon Watts. Outre un compte rendu détaillé des campagnes de fouilles, l’ouvrage fournit un inventaire complet, descriptions à l’appui, de tous les objets récupérés, dont, aux termes de l’accord international, près de la moitié est actuellement exposée à la Cité de la Mer de Cherbourg et autant au musée de Mobile (Alabama).

Remarquons, en conclusion, que cet ouvrage – un chef d’œuvre – est apte à attirer aussi bien les spécialistes de l’histoire navale que les archéologues maritimes, ou plus simplement le public cultivé.

CV(H)  Philippe HENRAT
23/04/2023

Le CSS Alabama
L’épopée engloutie du croiseur confédéré
Max Guérout, Gordon Watts, Joe Gouesnon
CNRS Editions

Voir également les recensions du CV(H) Gérald BONNIER et du CF(H) Philippe BEAUCHESNE

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