Des vaisseaux et des hommes

Les synthèses abordables sur l’histoire maritime française du XVIIIe siècle ne sont pas courantes. En dehors des deux ouvrages parus en 2016 d’O. Chaline et de R. Monaque (prix Marine et Océans 2016) ainsi que celui de l’auteur paru en 2015 qui s’intéressent plutôt à la Marine française sur une période un peu plus large, la plupart des ouvrages remontent à la fin des années 90 ou au début des années 2000. Et encore la belle marine de Louis XIV est-elle le plus souvent à l’honneur.

Il est vrai que la période dont traite l’auteur est peut-être moins aimée, car souvent période de vaches maigres et de défaites pour notre Marine avant la Guerre d’indépendance d’Amérique. Et pourtant, dans la première partie du règne de Louis XV, la Marine tient son rang sous la houlette de Maurepas. Mais une fois celui-ci remercié, la Marine voit ses budgets disparaître et tombe dans le « cercle vicieux de l’infériorité » pendant la guerre de Sept Ans.  Après celle-ci, Choiseul va s’attacher à réparer la « faute du cardinal Fleury » selon Voltaire. Il entreprend une série de réformes, inachevées hélas. Les aléas politiques voient le budget de la Marine fortement réduit après lui.

Il faut rendre justice à Louis XVI d’avoir donné l’impulsion nécessaire pour continuer l’œuvre de Choiseul. Sartine (personnage bien réel contrairement à son célèbre subordonné, le commissaire Le Floch) reprend cette politique et prépare une marine qui va être essentielle dans la Guerre d’Indépendance d’Amérique. Malheureusement, la Marine est sclérosée et les idées nouvelles ont beaucoup de mal à être acceptées. Les hommes ne sont pas mieux reconnus. Aucun chef militaire ne recevra le bâton de maréchal.  Seul Suffren se verra remettre une charge de vice-amiral créée pour lui.

La fin du règne de Louis XVI est marquée par les explorations scientifiques et le voyage de Cherbourg pour les travaux du futur arsenal dans la Manche. Sous l’impulsion du duc de Castries, des innovations techniques se font jour comme la standardisation des types de vaisseaux avec le choix de trois types de vaisseaux à construire : 74, 80 et 116 canons. La gestion des arsenaux et la formation des jeunes officiers sont rationalisées. On permet à des roturiers du monde de la mer de devenir officiers, première depuis Louis XIV. À la veille de la Révolution, la Marine française est la deuxième du monde derrière la Grande-Bretagne. Cependant, les difficultés financières de la Marine, 400 millions de livres de dettes, et celles de la monarchie ainsi que l’incapacité à réformer les finances publiques seront fatales au régime. S’ouvre ainsi une période sombre de la Marine où elle ne sera plus que l’ombre d’elle-même.

Au total, ce livre est indispensable à qui s’intéresse à l’histoire de la Marine au XVIIIe siècle, car il fait le point des connaissances sur ce sujet. Il a aussi l’avantage de parler du commerce maritime et des colonies brossant ainsi un tableau plus complexe qu’il n’y parait. L’auteur fait ressortir de l’oubli certains décideurs importants comme Maurepas. Des annexes apportent des compléments intéressants. On regrettera juste l’absence d’une bibliographie générale en plus des références en note si l’on souhaite approfondir le sujet.  

CC(R) Lionel DUHAULT
10/07/2022

Des vaisseaux et des hommes
Patrick Villers
Fayard Histoire

Voir également la recension du CF(H) Jean-Marie CHOFFEL

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