L’Odyssée d’un transport torpillé

« L’Odyssée d’un transport torpillé » est un roman écrit, en pleine guerre, par un brillant Officier de la Marine nationale pour rendre hommage à l’abnégation et au courage des hommes de la marine marchande. Leur activité dangereuse, épuisante et obscure fut pourtant indispensable au pays. Mais ces marins, pris entre les nécessités de la conduite de la guerre par les autorités politiques et militaires d’un côté et les intérêts économiques de leurs armateurs de l’autre, manquaient terriblement d’être reconnus. Vis-à-vis de l’opinion publique, ils étaient inexistants. Le lieutenant de vaisseau Maurice Larrouy, qui avait commencé la guerre  embarqué sur le cuirassé Vergniaud au sein de la 1ère escadre de la 1ère Armée navale et qui avait donc participé au blocage de l’Adriatique, connaissait l’efficacité et les souffrances de ces hommes qui assuraient en fait l’essentiel de la logistique : approvisionnement en charbon, en matériel et en vivres ; transport de troupes ; évacuation des blessés et des malades, etc.  Pour les avoir côtoyés et avoir dépendu d’eux, fils d’un ancien commissaire général de la Marine, il comprenait parfaitement leurs frustrations. Et il savait aussi quelle était leur vie en mer ; il ressentait leurs angoisses quand ils devaient naviguer dans des eaux où ils pouvaient à tout instant voir surgir un sous-marin qu’ils n’avaient aucun moyen de combattre et dont ils ne pouvaient même pas prévenir leurs amis de sa présence. Pour ces prédateurs à l’approche sournoise, les bâtiments de commerce constituaient des proies de choix. Pour l’ennemi, la destruction du transport maritime participait de ce « blocus éloigné » destiné notamment à couper les relations entre les Alliés, détruire leur industrie et les affamer.

En présentant son roman sous forme de lettres, Maurice Larrouy a pu, en restant discret sur la réalité des opérations, rendre avec beaucoup de réalisme l’état d’esprit de ceux qui étaient ainsi le maillon obscur de cette chaîne primordiale. Il connaissait leurs réactions, il savait quelles étaient leurs préoccupations, il les avait entendu s’exprimer et il maîtrisait leur vocabulaire. C’est pourquoi il faut saluer la réédition de cet ouvrage haut en couleur et facile à lire. Mais ce n’est pas un livre d’Histoire ; c’est celui d’une aventure humaine poignante, celui de l’Aventure humaine telle que la connaissent tous ceux qui sont confrontés à des situations inquiétantes sur lesquelles ils n’ont aucune prise et dans lesquelles ils doivent simplement accomplir leur devoir et obéir quelque jugement qu’ils puissent porter sur les ordres qu’ils reçoivent. De ce point de vue « L’odyssée d’un transport torpillé » dépasse très largement le cadre du conflit dans lequel il est ancré pour ouvrir sur un horizon plus vaste, celui de la gestion de l’émotion afin de rester lucide dans l’action quel que soit le danger environnant.

Au-delà, cette réédition présente les passages censurés au moment de sa première publication dans une typographie différente ce qui permet au lecteur averti de rechercher les motifs qui ont conduit les autorités de l’époque à en empêcher la parution. Enfin cette réédition est accompagnée d’une longue présentation et d’une très intéressante série de notes qui permettent de situer le roman dans son contexte, dont on peut seulement regretter qu’elles soient un peu longues pour celui qui ne s’intéresse qu’à l’histoire et un peu imprécises pour celui qui veut aborder l’Histoire à partir du roman.

François Schwerer
Mention spéciale Bravo Zulu « Livre » 2018
Invité du comité de lecture
08/02/2022

Maurice Larrouy
L’odyssée d’un transport torpillé,  1914-1917
Perrin

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