La mélancolie des baleines

Etrange livre en vérité cette Mélancolie des baleines. Sur les côtes d »Islande, alors que des baleines s’échouent presque chaque jour sur les plages, à la suite d’on ne sait quelle anomalie produite par la nature ou entretenue par les hommes, nous suivons Gudmundur, un conducteur de bus inadapté, Arna, une femme d’une soixantaine d’années dont le compagnon a disparu trente ans plus tôt en allant vers le bord de mer une nuit où les baleines se faisaient entendre, et une famille venue du continent pour les vacances, Ayden et Sasha avec leur petit garçon Eldfell. Celui-ci est atteint d’une maladie qu’on ne sait guérir – sa voix n’est qu’un souffle. Leur quotidien à tous les trois oscille entre la découverte d’un monde attirant et parfois incompréhensible et la surveillance inquiète de l’enfant.

Chacun est au bord d’un précipice. Tous les événements survenus dans leur vie passée se rassemblent peu à peu, se mélangent au présent et lorsqu’enfin tous se rencontrent, ils sont prêts à vivre l’inattendue fusion de leurs existences. Ainsi ils dépassent le point singulier où ils étaient en équilibre instable.

Il émane de l’ensemble proposé par Philippe Gerin une poésie certaine. L’Islande, terre extrême et mystérieuse, s’y prête. La mélancolie des baleines, fruit d’un projet élaboré dans un atelier d’écriture, est un livre très travaillé, au texte très dense. Chaque phrase a fait l’objet d’un intense travail de création pour exprimer exactement la vision de l’auteur. On sent dans le récit comme une forme de panthéisme : les animaux, les objets, comme les hommes révèlent leurs pensées avant l’action. Les descriptions sont détaillées, les actes sont analysés, de nombreux adjectifs choisis y contribuent, mais le mystère reste entretenu : les personnages sont à la fois vrais et hors du monde commun et le récit ne laisse pas indifférent.

La forme est néanmoins souvent complexe, utilisant parfois des associations d’idées qui surprennent. Elle cède parfois à des modes venues d’un monde bien réel et contemporain – par exemple les adjectifs improbable et incontournable, qui sont chaque jour dans tous nos journaux, sont fortement sollicités.

Décor, personnages, événements, style, langue forment ainsi en un tout apprêté le monde étrange de La mélancolie des baleines.

LV (H) Bruno LEUBA
10/01/2022

La mélancolie des baleines
Philippe Gerin
Editions Gaïa

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