L’Erebus

Ce livre a reçu le Prix Marine Bravo Zulu 2020 dans la catégorie « Mention spéciale livres ».

Acteur, humoriste, scénariste, producteur, de tels titres ne prédisposent guère à l’élaboration d’un travail historique sérieux. Et pourtant, le livre que nous offre Sir Michael Palin, ancien membre des fameux « Monty Python », est, en tous points, une remarquable réussite.

À l’origine de cet ouvrage, une silhouette apparue, le 2 septembre 2014, sur l’écran du sonar remorqué d’un bâtiment de recherches archéologiques canadien naviguant sur les côtes du Nunavut. L’identification de l’épave est rapide : il s’agit de la bombarde HMS Erebus disparue 168 ans plus tôt, l’un des deux navires de la plus ambitieuse et de la plus tragique expédition polaire de l’Histoire, celle de Sir John Franklin à la recherche du Passage du Nord-Ouest (son similaire, HMS Terror, sera retrouvé à son tour deux ans plus tard).

Manifestement, Sir Michael Palin s’est pris de passion pour l’Erebus. Comment expliquer autrement qu’il ait eu à cœur de se rendre en personne partout où ce bâtiment a bourlingué au cours de sa carrière mouvementée : aussi bien en Tasmanie qu’aux Malouines, au cap Horn et à l’île de l’Ascension que dans l’Antarctique, à Woolwich que dans les Orcades, au Groenland que dans le Passage du Nord-Ouest. Un homme amoureux d’un navire, cela s’est déjà vu, mais l’objet en fut rarement une modeste unité, certes d’une solidité à toute épreuve, mais qui jamais ne conquit au combat les lauriers de la gloire. Il n’empêche qu’elle est passionnante, l’histoire de cette modeste bombarde, qui, sans avoir rempli une seule fois les tâches militaires pour lesquelles elle avait été conçue, sillonna les océans lointains au service de la science.

À partir d’une masse impressionnante d’ouvrages universitaires, d’archives, de rapports et de correspondances parfois inédites, Sir Michael Palin nous relate longuement, mais sans jamais se montrer fastidieux ni pédant, ces quatre années de campagne dans les glaces de l’Antarctique (1839-1844) où, sous le commandement du célèbre explorateur Sir James Clark Ross, l’Erebus affronta vainement à trois reprises de terrifiants périls en tentant d’atteindre le Pôle sud magnétique, tandis que le grand naturaliste et botaniste Joseph Hooker gravissait à son bord les premiers échelons d’une prestigieuse carrière qui allait presque égaler au cours du XIXe siècle celle de son ami Charles Darwin.

La tragique odyssée de Sir John Franklin (1845-1848) et de ses cent trente compagnons est beaucoup plus connue. Pourtant, on ne peut s’empêcher de suivre comme un roman (bien que le texte soit solidement étayé par de nombreuses études rigoureuses) le récit de cette expédition si bien organisée, si prometteuse et pourtant vouée au désastre. La relation des nombreuses tentatives pour retrouver les navires perdus et la révélation très progressive et très partielle de la vérité, arrachée à l’inconnu au prix de difficiles et coûteux efforts, ne peut que nous inciter à attendre avec impatience les nouvelles révélations que les fouilles sous-marines à peine commencées par les archéologues canadiens nous apporteront sur l’ultime campagne de ces deux navires, presqu’aussi légendaires que le Titanic.

La lecture d’un ouvrage de cette qualité est recommandée, sans hésitation et avec enthousiasme.

CV(H) Philippe HENRAT
Membre de l’Académie de Marine
19/02/2020

L’Erebus.
Vie, mort et résurrection d’un navire
Michael Palin
Paulsen

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