Adélie, mon amour

Une chanson célèbre disait naguère «C’est pas l’homme qui prend la mer ; c’est la mer qui prend l’homme ». L’amour impétueux de la mer est-il exclusif de toutes les autres amours ? L’amour de la femme passionnément aimée peut pourtant soutenir et animer les plus grandes aventures maritimes. C’est à le découvrir que nous invite Michel Izard dans un beau livre d’amour et de mer, qui raconte et unit trois destinées : un marin, une femme et une expédition. Le marin, c’est Jules Dumont d’Urville (1790-1842) un des plus beaux noms de la Marine au lendemain de l’intermède révolutionnaire et impérial dans les grands voyages de découverte. La femme aimée et aimante, c’est Adèle, son épouse. L’expédition, c’est celle par laquelle, pour la première fois, des navigateurs ont touché le continent antarctique, prouesse réussie en 1840. Le lien qui matérialise, encore aujourd’hui, l’union de ces trois destinées, c’est le nom de la côte découverte, la Terre-Adélie, du prénom de la femme aimée.

Adèle est pourtant absente de l’expédition. Elle a même craint cet ultime départ de son mari, déjà vétéran de tant de navigations lointaines, dont un mythique voyage à la recherche de La Pérouse. Il s’agissait maintenant de tenter la reconnaissance des terres polaires australes, dont on n’avait jamais pu auparavant que s’approcher un peu. L’entreprise est risquée, elle le sait. Elle a aussi peur de l’absence de l’époux : un de leurs enfants est déjà mort ; elle ne sait pas encore qu’un autre mourra de l’épidémie de choléra pendant l’expédition. Elle accepte et encourage pourtant ce départ. Elle encouragera même encore Jules, dans les rares échanges de lettres alors permis par la distance, au cœur de l’expédition, pour une seconde tentative d’atteinte de l’Antarctique, après un premier périple malheureux au milieu des glaces. C’est donc à juste titre que Jules donne le nom de l’épouse aimée à la terre enfin découverte, devenue pièce maîtresse des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF).

Histoire d’amour et de mer, c’est sûr, ce périple est raconté aujourd’hui par Michel Izard, dans une relation à l’événement qui n’est pas seulement livresque mais aussi vécue. L’auteur est certes allé chercher dans les écrits de Dumont d’Urville et les archives de Toulon mais il a surtout vécu lui-même le voyage maritime de l’Antarctique. Journaliste et homme de télévision il a obtenu de participer, du même port de départ que son héros, de Hobart en Tasmanie, au voyage 2017 vers la base Dumont-d’Urville, en Terre-Adélie, du brise-glace français L’Astrolabe. Au-delà des mêmes noms, pour celui du navire aussi, ce sont les destins de l’expédition de 1840 qui croisent la vie des marins de la campagne de 2017. Les deux récits, les deux galeries de personnages se succèdent et s’interpénètrent en de multiples touches, au-dessus desquelles plane, comme un ange tutélaire, la douce et belle image d’Adèle.

Ce livre d’amour et de mer, également vécu, que nous propose Michel Izard, c’est enfin un beau roman, bien écrit et bien construit. Il réussit à ne jamais nous égarer dans le double récit de ces voyages parallèles qui s’achève – ironie du sort, après avoir survécu à tant de dangers – par la fin tragique de Dumont d’Urville, réuni par cette mort à sa chère Adèle et au seul fils qui lui restait, dans la première catastrophe ferroviaire, à Meudon en 1842. Premier livre de son auteur, Adélie, mon amour fait aimer la mer, celle d’hier et d’aujourd’hui. Il est aussi un hommage à la poésie, dont les citations le truffent. Michel Izard réussit pleinement à mettre en œuvre lui-même ce qu’il dit (p. 32) du beau volume publié par Dumont d’Urville à son retour d’Antarctique : « Les pages des livres sont la géographie du monde ».

CV(R) Marc LEVATOIS
01/08/2018

Adélie, mon amour.
Voyage à travers les glaces.
Michel Izard
Michel Lafont

Voir aussi la recension du CV(H) Gérald BONNIER

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