Avec les fées

Sylvain Tesson apprécie la géographie de l’instant, celle qu’il lit sur les cartes et s’imagine en préparant ses périples, avant qu’elle ne se présente concrètement à lui et qu’il ne la couche sur le papier.

L’aventure, cette fois, prend la forme d’une quête aux abords du vieux monde celte. Après les chemins noirs et la longue route de la retraite de Russie, il rallie les côtes de Galice, de Bretagne, de Cornouailles et du pays de Galles, d’Irlande et d’Ecosse. Il avance dans les landes d’où émerge phares et tumuli. Il recherche les promontoires qui dominent la mer et autorisent les divagations de la pensée, tournée vers les druides et les légendes. La liberté de l’âme aussi, les pieds dans le vide.

Trois mois à marcher des jours entiers le long du rivage. Trois mois, de juillet à septembre, pour chasser les fées sur le littoral. 

Les fées ? Ces instants fugaces, qui sont « une façon d’attraper le monde et d’y déceler le miracle ». Sylvain Tesson en a saisi de nombreux tout au long de son périple. Du haut des falaises qu’il foulait au pied, sur les plages et par les dunes, il a rencontré quelques fées marines.

Par le regard qu’il porte, il n’est pas de ces Français pour qui la mer est « ce qu’ils ont dans le dos lorsqu’ils regardent la plage ». Elle est au contraire une forme d’inspiration : « Rien n’est jamais perdu pour qui sait regarder la mer en face. »

Pourtant, ce livre n’est pas celui d’un marin. Celui d’un marsouin, plutôt. Tesson est un marcheur, compulsif et contemplatif et son projet est amphibie ; le voilier est un utilitaire qui sert à le débarquer sur les grèves ou dans les ports, pour mieux partir à pied ou à vélo. « La mer puis le monde », tel est le mantra de l’écrivain.

La navigation en mer n’apparaît que peu, et tardivement. Et elle n’est qu’un accessoire : « Naviguer consiste à passer de la lecture d’un livre à la contemplation du ciel en réglant les vagues entre les deux. » Lui, si habile à décrire la terre, n’habite pas la mer. Il l’aime depuis le rivage ; de ses sommets, il en saisit l’immensité. Elle lui fait sans doute envie. Mais elle ne le prend pas une fois embarqué, comme elle le fait pour ses compagnons qui cabotent afin de le retrouver.

Tesson est un terrien, en quête comme les chevaliers de la Table ronde. « Ils ne savent pas ce qu’ils cherchent, ils ne trouvent pas ce qu’ils veulent, ils ne veulent pas que ça s’arrête. »  Avec son sens du verbe, ses phrases que ponctuent quelques aphorismes secs et forts quand ils ne sont pas péremptoires, Tesson décrit à merveille les landes dans le brouillard, les immensités vertes qui surplombent les vagues blanches qui viennent s’écraser sur la côte, et les tourbières nimbées de ciels bleus. Et la mer, au loin. Ce qui rend la quête enviable.                                                                       

CF(R) Jean-Pascal DANNAUD
24/02/2024

Sylvain Tesson
Avec les fées
Editions des équateurs – janvier 2024

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