Sans le saule, comment connaître la beauté du vent, dit le sage chinois.

Ecouter la voix de l’eau. Lire dans le ciel. Se positionner par rapport aux éléments. Respirer au rythme de la houle. Découvrir les compagnons qui brisent la solitude. Enrichir sa bibliothèque interne d’évènements maritimes qui donnent à comprendre. Partager avec les familiers des grands espaces. Goûter l’incertitude. Se laisser entraîner dans un grand jeu limpide et mystérieux. Partager avec Bernard Moitessier l’idée que ceux qui ne savent pas qu’un bateau est un être vivant ne comprendront jamais rien au bateau ni à la mer.

Tel est l’état d’esprit du marin que décrit Olivier Le Carrer. L’apprentissage par la voie des sens, par la sensation, par un lien intime forgé dans un long compagnonnage de tout son être avec les éléments marins.

Olivier Le Carrer, ancien rédacteur en chef du magazine Bateaux, a testé des milliers de voiliers sur toutes les mers. Au long de ces multiples navigations, il a, pourrait-on dire, infusé une expérience qui l’amène à appréhender de manière toute personnelle le monde marin et le monde des marins.

Naviguer sur les sentiers du vent pourrait n’être qu’un recueil d’anecdotes, d’histoires de mer, de réflexions sur la navigation, si par petites touches, il ne nous faisait entrer dans une sorte de cosmogonie de l’univers marin. Pourrons-nous, dès lors, nous aussi, lecteurs quelque peu profanes, à sa suite appréhender la mer ? Sans doute, car l’auteur nous emmène avec talent : tout est léger dans ce livre, dont la lecture est un plaisir rare, rien n’y pèse. Ainsi que l’écrit Isabelle Autissier dans sa préface, il faut se laisser porter par les mots comme le marin se laisse porter par les vagues. Ces mots nous disent les conversations de Cook avec le polynésien Tupaia, un ouragan au large des Bermudes, une tempête sur un ferry entre Portsmouth et Saint-Malo, les têtes levées vers le ciel nocturne de deux marins qui franchissent l’Atlantique en allant d’étoile en  étoile, les phares qui défilent sur la côte lors d’une traversée nocturne, la navigation à l’estime et les possibles errements du GPS, la finesse des louvoiements sur la ligne de départ d’une régate, et jusqu’au vol d’un faucon crécerelle en Bretagne, qui fascine par son jeu avec le vent.

Olivier Le Carrer aime vivre avec la mer, la terre et les éléments, il aime les regarder, les écouter, il s’attache à leur permanence et à leurs changements, et c’est cette profonde dilection mêlée d’une forme de contemplation heureuse que nous percevons à la lecture.

« Et puis la risée vient, j’en ai vu le frémissement sur l’eau et je l’entends maintenant se faufiler autour de mes oreilles et rafraichir ma peau… ».

LV(H) Bruno LEUBA
22/11/2023

Naviguer sur les sentiers du vent
Olivier Le Carrer
Actes Sud