Titre sympathique et plein d’ironie pour ce récit qui nous emmène, comme une sorte de conte ou de fable, vers le grand Nord. Car la matelote est une capitaine déjà fort expérimentée. Et les funambules sont des montagnards aguerris doublés d’acrobates traversant les ravins sur un fil (ou une sangle). Embarquement pour le Groenland à bord d’une goélette de soixante tonneaux. Les funambules apprennent la mer, le déséquilibre permanent, le mal de mer, les longues journées à bord en espace restreint, le quart qui revient impitoyablement briser le sommeil, l’humidité en continu. Les marins, à l’arrivée, apprennent la montagne, la longue randonnée sur les terres gelées, l’ascension, l’effroi du vide, l’impossible équilibre sur un fil qui surplombe la mer et les glaciers. Les uns doivent acquérir la confiance dans le bateau, les autres la confiance dans la filière de sécurité. Et la vie en commun de tous ces fous de leur sport n’est pas toujours simple.

Le décor est grandiose : le Groenland se découvre, pays gelé que l’on n’atteint qu’en été, plantes de petite taille, icebergs qui croulent sous nos yeux, population isolée, heureuse de l’arrivée de cette joyeuse troupe. Les funambules deviennent des clowns, des artistes qui font rire les enfants. 

Si le côté romanesque du récit, les conflits, les incompréhensions semblent parfois n’être là que pour l’illustration, ils reflètent l’expérience de l’auteur, Sandrine Pierrefeu. Plusieurs mois par an, celle-ci emmène vers les extrémités arctiques ou antarctiques, des passagers, comme ces funambules, des jeunes en difficulté, toutes sortes de novices de la mer qui découvrent la rudesse du métier de marin.

L’ivresse des appareillages, le bateau, cocon protecteur, l’enthousiasme des escales, la découverte du monde et des autres sont le choix du marin. Sandrine Pierrefeu se réjouit de nous les faire vivre dans ce récit attachant dont la lecture est un petit bonheur.

LV(H) Bruno LEUBA
03/06/2024

La matelote et les funambules
Sandrine PIERREFEU
Glénat

Voir également la recension du LV(H) Dominique RENIE et la recension du CF(H) Philippe BEAUCHESNE