La construction des bateaux en bois peut sembler aujourd’hui relever du folklore, à l’heure où le métal, les plastiques et les résines ont remplacé la noble matière. Et pourtant, les essences qui avaient été utilisées durant des siècles par la marine à voile, avant d’être totalement éclipsées par des matériaux plus « modernes », sont remises à l’honneur depuis une cinquantaine d’années. Ce retour en grâce s’accompagne du sauvetage, de la renaissance ou de la modernisation des savoir-faire ancestraux. Et toujours, d’un amour du bois, des plants en forêt jusqu’au chantier naval.

Ewan Lebourdais et Matthieu de Guillebon sont allés à la rencontre de cette filière. De cet univers devrait-on dire, tant les beautés de la Nature côtoient la passion d’artisans avisés, du forestier au charpentier de marine.

Ce beau livre, aux photographies magnifiques, rappelle l’emploi qui est fait des essences de chêne, d’épicéa, de hêtre et de mélèze pour la construction d’un navire, en fonction de leurs caractéristiques. Il sait dire aussi les symbioses qui existent entre les espèces animales et végétales, les interactions entre la sylve et le milieu qu’elle habite. Et l’usage, différent et complémentaire, que l’on fait des grumes de vingt mètres comme des troncs torturés par les vents.

Au-delà des forêts, les auteurs ont interrogé les acteurs qui contribuent – avec quel savoir-faire – à la sélection du bois et à sa transformation en quille, varangues, bordées et espars : sans oublier les mâts. L’on comprend sans peine que la beauté d’une construction navale ne réside pas uniquement dans le travail du bois ainsi collecté : « la beauté de notre métier […], ce n’est pas la beauté du travail du bois, mais la qualité de nos liaisons ». Cette vérité vaut tant pour l’ouvrage du charpentier de marine que pour l’amitié et le respect qui relient les acteurs de cette chaîne humaine, qui va du monde sylvicole au milieu marin.

L’on appréciera, en filigrane, le rôle joué par l’Etat et la Marine nationale dans ce retour en grâce du bois, pour la sauvegarde du patrimoine maritime. Il fallait maintenir en état l’Etoile et la Belle Poule, bien avant que des associations ne se préoccupent de restaurer la Recouvrance, l’Hermione ou le Français, et tant d’autres navires. Une aventure à chaque fois. Et un rêve. Car, « c’est ainsi que les arbres naviguent d’un bout du monde à l’autre et que le bois nous conte des histoires. » Un très bel objet dont la reliure « suisse », qui rend visible la fabrication du livre — cahiers, indices de collationnement, fil de couture et colle — et permet une ouverture parfaitement à plat, confère un plaisir physique de lecture qui vient s’ajouter à celui, plus cérébral, que confère le contenu de l’ouvrage.

CF(R) Jean-Pascal DANNAUD
06/03/2024

Bois & Marines, des forêts à la mer
Ewan Lebourdais, peintre officiel de la Marine,
texte de Matthieu de Guillebon,
Editions Odyssée

Voir également la recension du CF(H) Bertrand GALIMARD FLAVIGNY