Tombant sur L’aiguille creuse en livre de poche, de Maurice Leblanc, le talentueux écrivain voyageur et un tantinet aventurier Sylvain Tesson se passionne pour l’aiguille d’Étretat, haute d’une cinquantaine de mètres, qu’il décide d’escalader à tout prix.

Il forme une fine équipe avec trois amis dont Daniel Du Lac, alpiniste de renom, et part nuitamment à l’assaut de ce pilier d’érosion que les Anglais appellent sea stack..

De cette première aventure naît l’envie de parcourir le monde à la recherche d’autres personnalités de la roche refusant la suprématie de la mer comme les appelle joliment l’auteur. A eux quatre, ils en escaladeront cent-six en deux ans !

Ce superbe livre, qui décrit quelques-unes de ces escalades, n’a rien d’un dépliant touristique ou d’un guide pour montagnard côtier. C’est un prétexte à la rêverie, à la poésie, à l’humour et à l’immense culture de Sylvain Tesson. Une écriture fluide, des mots ciselés, des notes de bas de page en forme de clins d’œil, des rencontres inattendues et de hautes pensées philosophiques font de cet ouvrage un véritable page turner qui nous invite à nous accouder au comptoir de son âme.

En fait, c’est un hymne à la liberté que chante Sylvain Tesson quand, perché sur un de ces pitons vaillamment émergés et détachés de la côte par le ressac, il décrit l’instant : à la pointe du monde, où je n’ai rien à faire, où je ne peux rester, en un lieu où personne n’est allé, d’où le monde s’embellit, qui s’écroulera bientôt et qu’il est difficile d’atteindre, urgent de quitter, inutile de gagner.

Pour Sylvain Tesson, ces colonnes de la mer habitées par des oiseaux, battues par la mer et véritables conservatoires biotiques sont en fait le témoin d’une côte et plus encore, d’un monde qui recule. Ce livre ne se raconte pas, il se savoure.

CF(H) Alain M. BRIERE
01/06/2025

Les Piliers de la Mer
Sylvain Tesson
Albin Michel