2025 marque le centenaire de la Fastnet Race, occasion de se replonger dans le drame de l’édition 1979 grâce à cette bande dessinée de qualité qui, par le prisme de quelques équipages, nous emmène en plein cœur de l’action avec une tension rare.

1979, cela fait 54 ans que cette course existe, traditionnelle au cœur de l’été, qui autorise tout type de voilier à s’inscrire ; professionnels ou amateurs peuvent venir, que ce soit à bord de voiliers de pointe ou de simples régatiers de rade, chacun peut participer à cette fête de la voile.

Pour qui a été bercé par les exploits de Tabarly, le Fastnet fait partie des courses du RORC, vénérable institution britannique image même du yachting à l’ancienne, blazer et casquette blanche, qu’Eric Tabarly et ses équipiers dépenaillés, hirsutes et mal rasés étaient venus défier dans les années 60 et 70, en rapportant en Bretagne des trophées jusqu’ici jalousement conservés au nord de la Manche.

On ne peut s’étonner alors de voir en 1979 autant de voiliers drainés par l’attrait de cette course, au point de ne pas avoir assez de places pour tous les accueillir dans le port de départ.

Il y a là des coureurs d’océan qui s’apprêtent pour la prochaine Whitbread et des coureurs entre trois bouées qui d’ordinaire sortent en régate dès que le vent souffle.

Et justement le vent souffle peu en cette saison sur la Manche et le sud de la mer d’Irlande et la flotte part comme pour une joyeuse régate vespérale, sans souci, une promenade juste un peu tactique. Mais le vent cette année en a décidé autrement et à une époque où les moyens de prédiction et de diffusion sont encore limités, c’est par surprise que les équipages vont se confronter à une tempête que les témoins d’alors décriront comme pire que celles rencontrées aux parages du Horn.

Un bilan humain effrayant mais une solidarité et un courage sans faille, avec l’incroyable détermination des sauveteurs de la Royal Navy et de tous ceux en mesure de prêter assistance sur l’eau et dans les airs.

Voilà l’histoire que les auteurs ont cherché à raconter avec subtilité : ils arrivent à nous faire partager la joie qui précède le départ, l’enthousiasme des premiers milles avec les choix tactiques qui s’imposent, avant de basculer vers l’inquiétude de ce qui ne devait être qu’un fort coup de vent et qui s’est mué en piège mortel, le pire bilan de toute l’histoire de la course au large.

Une image pleine page traduit à elle seule cette ambiance de folie où quelques silhouettes bien frêles se détachent sur fond de vagues dantesques laissant apparaitre des nuages au visage d’un Neptune implacable.

Ou cette vision que l’on ose à peine imaginer de la multitude de fusées de détresse zébrant le ciel en même temps.

En tournant les pages, j’ai eu froid dans le cou, j’ai senti l’eau couler dans mon col comme si je portais ma veste de quart, j’ai senti le sol se dérober sous les mouvements erratiques du bateau. Toutes les frousses vécues en mer qui remontent car les auteurs ont su créer une ambiance incroyable, avec un texte simple qui laisse le dessin parler avec une éloquence rare.

En fermant ce livre on pourrait être tenté de mettre sac à terre une bonne fois pour toute. Pourtant c’est la citation du rapport d’enquête qui redonne la foi : « l’océan a montré qu’il pouvait être un ennemi mortel et ceux qui prennent la mer pour leurs loisirs doivent le faire en pleine connaissance de cause ».

Avec cette BD la mer nous rappelle d’être humbles ; elle nous appelle aussi à être solidaires à l’instar des sauveteurs qui sont intervenus et qui laissent, en dernières pages, un sentiment d’admiration sans bornes. Cette BD mérite d’être partagée pour se souvenir avant de larguer les amarres d’être prudent, de veiller à sa sécurité pour que le bonheur d’être en mer reste un bonheur.

CC(R) Axel PIVET
29/09/2025

FASTNET 1979
Stéphane Melchior – Renaud Garreta
Delcourt

Voir également le recension du LV(H) Dominique RENIE