« Je suis resté fidèle à cette mer devant qui j’ai grandi. »

Tout est mer et tout vient de la mer : la présence de la mer, à la fois dans la réalité et dans l’imaginaire de Christophe Ono-dit-Biot, le conduit à nous proposer Mer Intérieure, où il nous entraîne dans son sillage.

Cinq fils conducteurs illustrent dans une brillante évocation la navigation de l’auteur dans ce monde fluide et sans limite, mais non sans rivages : enfance, mythologies, bestiaire, trésors et pages d’écume.

Voici l’embarquement : il est né au Havre de Grâce, fondé par François I^er en 1517, là où Monet inventa l’impressionnisme, son grand-père était ouvrier aux chantiers navals et son grand-oncle imprimeur sur le paquebot France, portes ouvertes vers le large. Il se rappelle Rimbaud, « Ô flots abracadabrantesques, prenez mon cœur qu’il soit sauvé ».

Ainsi, les flots l’ont pris, pour notre bonheur de marin de passage. Triton, Poséidon, Ulysse, Thésée et le Minotaure l’accompagnent, il nous raconte la tragédie d’amour d’Héro et Léandre du côté des Dardanelles, il découvre l’Atlantide. Fasciné par les grands monstres marins, Léviathan, Moby Dick et les immenses poulpes des profondeurs, par les héros marins comme le capitaine Achab et le capitaine Nemo, il plonge à leur rencontre et explore la mer en s’y mêlant. Il se passionne pour des histoires de corsaires, de trésors, vrais ou faux, d’hier ou d’aujourd’hui, qui l’ont fait rêver tout autant que le roman emblématique de Stevenson. Il a lu les livres de mer et de marins, et en fin de volume, sa bibliographie devient une source infinie.

Peut-on résister à son invitation à plonger dans le bleu Klein, dont il dépeint les origines, et qui semble contenir l’essence même de l’océan ?

Ce livre est une surprenante promenade maritime, un ensemble d’évocations très personnelles et d’une grande richesse. L’histoire, l’art, la géographie, la biologie marine, le goût de la plongée, la poésie, la rêverie et l’esprit de découverte s’y mélangent pour mettre en lumière les multiples facettes de la mer.

Porteur de tant d’histoires, l’auteur deviendra-t-il un jour l’étrange porte-conteneurs auquel il s’identifie – étonnant paradoxe – qui cherche à sombrer pour atteindre le fond de la mer et rejoindre ainsi la sérénité des épaves ? Car les conteneurs, nous dit-il, boîtes de métal multicolores chargées de richesses, sont les symboles de tous les moments de la vie que l’on emporte avec soi.

Peut-être sera-t-il entraîné dans ce voyage ultime par le vers d’Apollinaire, avec lequel il clôture les pages d’écume, énigme de sept mots, soupir, appel ou chant, d’où naitra la vague salvatrice : « et l’unique cordeau des trompettes marines ».

LV(H) Bruno LEUBA
09/08/2025

Mer intérieure
Christophe Ono-dit-Biot
Editions de l’Observatoire

Voir également la recension du CF(H) Philippe BEAUCHESNE