Chroniques littorales
- Auteur CF(H) Philippe PIZEINE
- Publié dans Livres, Recensions
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Qui pensait avoir une bonne culture maritime risque d’être démenti par l’exhaustivité des thèmes abordés par cette encyclopédie généraliste. Les limites éditoriales obligent l’auteur à résumer les chapitres les plus familiers mais l’essentiel est dit tandis qu’apparaissent dans leur sillage quelques pépites cachées, aux révélations surprenantes ou à l’opposé de vos convictions. Autre belle surprise : une iconographie séduisante qui apporte une dimension presque ludique à la lecture de sujets parfois ardus.
Les thèmes sont distribués sur 5 chapitres, joliment baptisés « Escales ».
L’Escale 1 s’ouvre sur les fondamentaux d’un atlas : formation des continents, des vents et courants, origine de la planète, début de la vie, le plancton au commencement de la chaine alimentaire, les dangers et les promesses des algues, les extraordinaires capacités du poulpe, les grands fonds et leurs promesses.
L’Escale 2 est dévolue au temps des découvreurs et des inventeurs des techniques de navigation, depuis les peuples de tradition orale jusqu’à JY Cousteau, James Cameron, la famille Piccard en passant par les explorations polaires.
L’Escale 3 propose un éclairage multifactoriel de la géopolitique des océans. L’auteur commence par rappeler le rôle majeur de la mer sur l’histoire selon les deux temps forts établis par le programme « Océanides » sous la direction de Christian Buchet : le temps de la Méditerranée puis celui de l’Atlantique. C’est bien le commerce maritime qui permet la naissance des cités de Phénicie, puis consacre le « soft power » de la culture hellénistique diffusée par son réseau de routes et comptoirs maritimes. Les Romains prennent le relais et imposent la forme de « Mare Nostrum », plus brutale. Suit le temps de l’hégémonie des nations occidentales portée par la découverte des océans. Un empire qui perdure jusqu’au début du XXème siècle. Dès le XVIIème siècle, les enjeux politiques et économiques majeurs imposent la nécessité d’un droit international de la mer construit sur le principe de la liberté de passage. Par la suite la convention de Montego Bay pose les bases d’un droit étendu aux zones économiques exclusives (ZEE). Elle ne règle toutefois pas la sécurité (piraterie, attaques terroristes) d’un trafic devenu la colonne vertébrale de l’économie mondiale. Même inadéquation du droit international à calmer les tensions autour des enjeux polaires, des routes énergétiques (oléoducs, gazoducs), des câbles sous-marins, des ressources océaniques (« deep sea mining » des nodules, des terres rares), ressources halieutiques. L’auteur évoque le rôle à venir de l’IA, des drones et des satellites, autant d’instruments de chantage ou de contre-chantage. Qui domine les mers domine la terre, qui veux la paix prépare la guerre ; cette double injonction conduit l’auteur à une étude fouillée des forces navales internationales et des institutions et grands corps associées à la Marine nationale sans oublier, à leur périphérie, la SNSM, les peintres de la Marine, les derniers grands voiliers sous pavillon français.
L’Escale 4 aborde la place stratégique et économique de la mer pour l’avenir de la France qui cumule des atouts exceptionnels : deuxième ZEE du monde, 13 territoires ultra marins, un savoir-faire bien établi dans tous les domaines marins ou sous-marins (transport maritime, pêche, tourisme côtier, énergies renouvelables, réseaux de communication par câbles optiques, constructions navale et portuaire, plaisance, recherche et exploitation dans l’offshore), jusque dans des activités de niche comme le pilotage avec le bassin de Port Revel dont la réputation internationale n’est plus à faire. Sans compter l’énorme potentiel de développement des secteurs clés de la « blue tech » française : propulsion vélique, navires et ports intelligents, robotique sous-marine, surveillance des données océaniques, houlomoteur, énergie thermique, culture innovante des algues et aquaculture, pharmacologie.
L’Escale 5 achève cette encyclopédie par un panorama des sciences et technologies de la mer et, en parallèle, par une revue magistrale de l’écheveau des entités de recherche françaises et de tous les programmes internationaux attachés à la lutte contre la pollution ou à l’observation de l’océan (Argos, Energy observer, Tara, le Polar Pod de Jean-Louis Etienne, le baromètre Starfish ou le Sea Orbiter de Jacques Rougerie). L’auteur a mis ici à profit le réseau d’acteurs du monde maritime construit au fil des Chroniques littorales
Cette encyclopédie résume avec brio le passé, le présent et l’avenir du monde maritime et démontre, s’il le fallait, que la mer reste une clé de la réussite. Les puissances autrefois continentales l’ont très bien compris tandis que la France aurait, peut-être encore, besoin d’un agent recruteur à l’image de ce livre.
CF(H) Philippe PIZEINE
26/11/2025
CHRONIQUES LITTORALES
José-Manuel LAMARQUE
Editions Gründ

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