Le Capitaine égaré

La destinée, c’est le caractère, dit un vers d’Eschyle. Quelle destinée aurait-été celle du capitaine Landais, s’il n’avait pas eu le caractère difficile, sinon impossible, que décrit Vincent Guéquière dans son livre, Le Capitaine égaré ? Sans doute pas celle qui nous est racontée dans ce livre, puisque, excellent marin et reconnu comme tel par tous, Landais ne cesse de s’attirer des ennemis, de décourager ses rares amis et de lasser ses supérieurs comme ses subordonnés en manifestant constamment jalousie, envie, méfiance, colère, mythomanie, intransigeance. On voudrait qu’il s’améliore au cours du temps, comme les grands hommes dont on dit qu’ils en sont capables, mais il n’en est rien et, égaré entre l’ancien et le nouveau monde, égaré dans sa folie misanthrope, retombant sans cesse dans ses travers, il mourra seul en 1820, aigri et méconnu, dans un obscur hospice de New York, malgré une étonnante carrière navale.

En 1777, ne pouvant obtenir, car il n’est pas noble, le commandement qu’il attend dans la Marine française, ni la croix de Saint-Louis qu’il revendique, il trouve refuge dans la jeune Marine américaine. Commandant du Flamand, il effectue une brillante et courageuse traversée vers les Etats-Unis transportant matériel et passagers qui vont grandement contribuer à la guerre de la jeune république. Puis, nommé commandant d’une magnifique frégate neuve construite à Boston, l’Alliance, il revient en Europe pour affronter les Anglais. Il y est placé sous les ordres d’un Commodore américain qui deviendra un héros alors que Landais qui se perd en querelles et en révoltes ne recevra que réprimandes, mépris et courra même le risque d’être embastillé en France s’il remettait le pied sur le territoire du roi.

Vincent Guéquière nous offre un récit enlevé et très agréable à lire. On regrette cette descente aux enfers, on admire le marin, son audace, sa subtilité sur mer. Les récits de mer et de batailles sont plaisants. L’auteur a effectué de longues recherches historiques, tant en France qu’aux Etats-Unis, pour reconstituer la vie de ce personnage historique oublié et décrire les premiers combats de la république américaine. Le récit propose une intéressante galerie de portraits de personnages réels français ou américains, politiques, marins ou administrateurs. Il est à noter que si tous n’atteignent pas les excès d’un Landais au comportement insupportable, mais dont le sens du devoir n’est pas véritablement mis en cause, ils comptent parmi eux nombre de politiciens ambigus, d’opportunistes avérés et d’ambitieux dévoyés. Aussi, l’unique touche de douceur de ce livre sera-t-elle à trouver chez le seul personnage non historique qui a été imaginé par l’auteur.

LV(H) Bruno LEUBA
20/09/2025

Le Capitaine égaré
Vincent Guéquière
Paulsen

Voir également la recension du CF(H) Jean-Marie CHOFFEL, la recension du CF(R) Jean-Pascal DANNAUD, la recension du LV(H) Dominique RENIE, la recension du CV(H) Gérald BONNIER et la recension du CF(H) Philippe BEAUCHESNE

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